tout ce qui est réel est fabulatoire, tout ce qui est fabulatoire est réel, mais il faut savoir choisir ses fabulations et éviter les hallucinations.

jeudi, mars 06, 2014

Mythanalyse d'un inconscient collectif toxique: le machisme grec et biblique




Les deux mythes de la création de la première femme, le biblique de la Genèse et le grec d'Hésiode nous racontent leur fabrication triviale et leurs fautes fatidiques. L'une, sous l'influence du Diable propose à Adam de désobéir à Dieu et de croquer la pomme de la connaissance, ce qui entraînera tous nos malheurs. L'autre, sur l'ordre de Zeus, séduit Épiméthée, celui qui comprend trop tard, et ouvre la boîte des mêmes malheurs de l'humanité. Les vieux mythes nous apparaissent aujourd'hui fondamentalement misogynes. L'interprétation du mythe de Pandore, tel que nous le rappelle Jean-Pierre Vernant, le grand spécialiste français de la mythologie grecque, ne laisse aucun doute sur le machisme de la civilisation grecque. Quant aux monothéismes, on voit bien ce que les religions juive et islamique ont fait de la femme : des êtres soumis, sans droits, que domine arbitrairement l'homme. Le catholicisme a au moins tardivement inventé le mythe de la Vierge et canonisé de grandes saintes. Mais ll voit encore la femme comme la chair du péché et lui interdit toute autorité dans une Eglise composée exclusivement d'hommes.
L'Occident a hérité de ces deux mythes, le biblique et le grec sans les remettre en question et il en est résulté une image extrêmement dévalorisante de la femme dans notre inconscient collectif pendant plus de deux millénaires. Pourquoi en rester là? 
Le féminisme ne peut se limiter à une lutte idéologique sans réécrire notre inconscient collectif. La mythanalyse se propose donc de réhabiliter Ève et sa pomme, faussement déclarée fatale, ainsi que Pandore et sa boîte tout aussi faussement interprétée, car la pomme et la boîte (une jarre, devrions-nous dire) ont donné à l'homme la conscience de sa liberté. S'impose l'exigence de réécrire ces deux mythes et de les transformer en un nouveau mythe qui porte des valeurs positives de la femme en Occident. Ce que Hésiode et la Bible ont écrit, l'homme d'aujourd'hui peut et doit s'en libérer, en le rangeant dans nos archives et documents mythologiques. Les mythes ne sont pas des invariants archétypaux. Ils ont été créés par des hommes, poètes prophètes ou prêtres, selon les pouvoirs dominants et les idéologies du moment. Et lorsqu'ils s'avèrent toxiques, il est nécessaires de les remplacer. Créer un nouveau mythe de la femme, en tentant de lui donner une puissance imaginaire suffisante pour qu'il s'impose sur les précédents. L'inconscient collectif n'est pas une fatalité; c'est seulement une sédimentation, qu'utilisent aujourd'hui encore ceux qui y voient un intérêt idéologique. La mythanalyse n'est pas seulement une science humaine de déchiffrement de nos imaginaires sociaux actuels. Elle est aussi un mode d'action engagé en faveur du progrès collectif. Elle a un pouvoir transformateur. Ce que la poésie a fait jadis et qui se révèle destructeur, la mythanalyse se doit de le dénoncer. C'est en ce sens que la mythanalyse, toute relative qu'elle soit, peut initier une thérapie collective. Une société toxique se soigne, par l'engagement idéologique, par la lutte (dans ce cas le féminisme), mais aussi et surtout par la transformation de son inconscient collectif. Balivernes et vues de l'esprit ingénues m'objectera-t-on? Cette transformation mythique qui s'impose à nous dans le cas du statut inconscient de la femme en Occident, n'a rien d'impossible. Les mythes naissent et se maintiennent, ou meurent et changent. La Révolution de 1789 nous en donne un exemple indubitable. Le mythe de Dieu meurt, après celui de l'Olympe grec. Les mythes de la Raison, de l'Histoire, du Progrès émergent, ce sont des inventions modernes, ce qui ne les empêchent pas d'avoir une immense force mythique et de déterminer les comportements de nos sociétés actuelles. Ils sont certes vulnérables à leur tour, mais c'est en vain que la postmodernité a tenté de les décrédibiliser radicalement. Le mythe de l'Histoire, certes, en est mort. Mais je ne doute pas que le mythe de la Raison garde sa force en devenant plus relativiste, ni que celui du Progrès lui survive, tant sous l'effet de la technoscience numérique, que de l'émergence d'une éthique planétaire. L'idéologie peut changer les configurations mythiques. La mythanalyse en est partie prenante, nécessaire. 
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* J'ai déjà écrit dans ce blog sur ce que pourrait être l'apport de la mythanalyse au féminisme:
http://mythanalyse.blogspot.ca/2011/07/mythanalyse-du-feminisme.html 
Voir aussi: http://www.repere.tv/?p=12735